Au mois de juin a débuté le diagnostic de l’état écologique des lagunes méditerranéennes. Cette campagne est réalisée par Ifremer chaque année au mois de juin, période où les algues et plantes aquatiques prolifèrent. Elle permet d’évaluer la qualité des eaux et des milieux au regard des objectifs de la Directive Cadre Européenne sur l’eau. Aujourd’hui, Ifremer s’intéresse aux macrophytes de la lagune de Thau.
Trente-six, c’est le nombre de plongées que les scientifiques d’Ifremer réaliseront pour obtenir le diagnostic écologique des macrophytes de la lagune de Thau tout au long de ce mois de juin 2017. Objectif : recenser les algues et plantes aquatiques indicatrices de bon état écologique et les espèces synonymes d’eutrophisation. L’équipe embarque dès 9h et met le cap sur Marseillan.
Arrivés sur les lieux, Vincent, chercheur en écologie benthique (étude des fonds) et Laurie, ingénieur en charge de coordonner la campagne enfilent leur combinaison. Les scientifiques mettent en place le protocole qui se répétera huit fois dans la journée. La méthode a été élaborée avec les autres scientifiques européens pour disposer de repères communs. La France a notamment travaillé sur ce sujet avec la Grèce et l’Italie. C’est Valérie, ingénieur en écologie qui s’est chargée de coordonner les échanges avec ces pays.
Equipés de masques et de bouteilles, Vincent et Laurie disparaissent sous la surface. Accrochés à l’ancre par un bout, ils doivent quadriller scrupuleusement un secteur d’environ 120m2. Une quinzaine de minutes plus tard, les voici à nouveau à bord. Dans leurs filets, plusieurs échantillons d’algues et de plantes aquatiques.
L’analyse commence sous le regard attentif de Valérie. 1e étape : évaluer la part des herbiers dans la couverture sous-marine. Puis, déterminer la nature des fonds : sédimentaire, coquilliers… Vient l’analyse des algues présentes dans l’eau. « Certaines espèces sont immédiatement identifiables, d’autres nécessitent une analyse au microscope, à l’échelle des cellules, permettant une identification précise », explique Valérie. Il faut dire que les écosystèmes sont très riches. Lors des diagnostics de macrophytes réalisés depuis 1998, 74 espèces sont recensées rien que sur les fonds de la lagune de Thau.
Cette fois, zostère naine et marine, acétabulaire, gracilaires et dictyota sont au rendez-vous. La Dictyota est une espèce mal aimée par les pêcheurs. Pourtant, elle fait partie des indicateurs de bon état. Mais attention, même classée parmi les indicateurs de bon état écologique, une espèce en expansion trop importante peut représenter une menace ! La Valonia, étonnante par sa texture rigide et redoutée par les gestionnaires des lagunes audoises semble bien se tenir ici et ne pas proliférer.
Globalement dans la lagune de Thau, la part des espèces sensibles au risque de pollution est en augmentation. C’est le signe d’une amélioration de la qualité de l’eau. Les résultats du diagnostic des macrophytes sur Thau sera présenté en 2018. En fonction de la répartition des espèces, un indicateur allant de mauvais au très bon état sera attribué à chaque point de mesure. La moyenne de ceux-ci permettra de classer l’état écologique de la lagune pour la partie algues et plantes aquatiques. « Ce qui est intéressant dans les lagunes méditerranéennes françaises, c’est qu’il y a une grande diversité de milieux allant du très bon état au plus médiocre ». Deux autres diagnostics viendront compléter celui-ci pour la Directive européenne cette année : l’indicateur Azote/Phosphore dans l’eau et l’indicateur phytoplancton (microalgues).
L’acétabulaire est l’une des seules espèces de la famille des algues vertes à être indicatrices de bon état. Elle se fixe sur tout type de support grâce à un petit crampon.
*Les macrophytes sont des végétaux aquatiques photosynthétiques dont tout le cycle de vie, y compris de reproduction se déroule dans l’eau. Dans les lagunes méditerranéennes, les macrophytes dont la biomasse est souvent importante interviennent amplement dans la structure et le fonctionnement de l’écosystème. Ils participent à leur équilibre en absorbant le gaz carbonique, en libérant de l’oxygène, permettant ainsi la reproduction primaire de substances organiques à partir des nutriments. Leurs populations contribuent également à l’équilibre des milieux lagunaires grâce à leur participation aux cycles de la matière, à leur fonction de support, d’habitat, d’abri, de lieu de ponte et de nurserie pour de nombreux animaux et en particulier les juvéniles. Ils jouent également un rôle dans la stabilisation des sédiments.
Pour en savoir plus : http://archimer.ifremer.fr/doc/00043/15416/ (Lauret Michel, Oheix Jocelyne, Derolez Valerie, Laugier Thierry (2011). Guide de reconnaissance et de suivi des macrophytes des lagunes du Languedoc-Roussillon. Réseau de Suivi Lagunaire (Ifremer, Cépralmar, Agence de l’Eau RM&C, Région Languedoc-Roussillon))